LE BLEU – 2010

Patrick Coutin : Voix, guitares, claviers, programmations ;
Gilles Michel : Basses, guitares, claviers ;
Franck Ridacker : Batteries, percussions ;
Basile Leroux : Sitar électrique sur « la Dernière Prière » ;
Dany Vriet : Guitare acoustique sur « Lexo », Guitare slide sur « Justice », Violons sur « Lexo », « Sauve Moi »,  Mandoline sur « Lexo » ; Les cuivres du Conservatoire Jean Wiener de Bobigny : Fanfare sur «Labo Social »

Enregistré au Canal 93 (Franck Segara – Patrick Coutin) et au Studio Louise Music,
Mixages et mastering : Studio Louise Music par Patrick Coutin

Réalisation : Gilles Michel – Patrick Coutin
Artwork : Bolivie

Remerciements : Canal 93, Béatrice Chauvin, Compact et Denis Marais, Yves Gruson, Gilles Coutin, Christophe Allemand, Bernard Nové Josserand, Yves Klein.

COUTIN / LE BLEU : NOTES DE PRODUCTION

« Je voulais faire un disque pour les vieux, ceux qui ont connu Dylan et Hendrix, Mai 68 et l’utopie, avant le MP3 et l’Ipod. Un truc pour ceux qui ont encore des chaînes stéréo avec des gros boutons, toutes noires et qui prennent la poussière dans le salon. Un disque pour la génération « Peace and Love » à la française. Encore que nous, nous étions plutôt « Cocktail Molotov and Love » ; on est devenue « peace » plus tard… A force de survivre. Au départ, on était formaté pour mourir jeune. Tous nos héros sont morts jeunes. Hendrix, Jim Morrison, Janis Joplin, Brian Jones… Et tous les autres, les inconnus… Mais le rock français, lui, il meurt vieux… Il faut s’y faire…. C’est la seule chose que je n’aime pas dans la jeunesse ; ça lui arrive de vieillir…. Un jeune qui vieillit c’est dégueulasse, presque aussi dégueulasse qu’un vieux qui reste jeune.

Avec le Bleu, je voulais donc faire le dernier disque à l’ancienne. À la main. Pas de synthés. Des batteries, des guitares, des basses, des voix. Du naturel, de l’écolo. Du brutal. Je me serais bien vu faire un album comme en 1980. Avec les limitations de l’époque. Une dernière fois… C’est toujours intéressant de voir jusqu’à quel point tu peux remonter le temps avec les technologies d’aujourd’hui. Le numérique permet de rentrer dans les détails, de copier, de coller, de revenir en arrière, de faire des milliers de pistes… Donc tu ne crées plus de la même façon. Moi je suis de la génération Andy Warhol, celle du copier-coller, des duplications. Donc en fait, j’adore le numérique et toutes ces bidouilles. Mais là, je voulais revenir à des façons plus directes de travailler et me méfier de toutes ces possibilités.

Tout ou presque à été enregistré ensemble, y compris la majeure partie des voix. Après il a fallu résister à la tentation de la perfection pour préserver jusqu’au bout ce premier jet. Pas trop lisser…

J’ai toujours été et j’ai toujours voulu être un chanteur de rock. Dans le sens que ça avait au début, c’est-à-dire plutôt sur la marge, pas intégré au système dominant. J’ai toujours compris et accepté que mes chansons ne passent pas à la radio et même quand j’ai écrit des sortes de « tubes », je me suis toujours débrouillé pour mettre çà et là le gros mot ou l’allusion qui empêchait que, in fine, ce soit un tube.

« J’aime regarder les filles », c’est l’exception. Malgré les protestations des braves mères de famille et des bien-pensants, cette chanson est passée à la radio. Les jeunes filles se sont mises à chanter « leurs poitrines gonflées par le désir de vivre… ». C’est une chanson qui a bénéficié à plein du vent de liberté concomitant à l’arrivée des radios libres, mais aussi du mouvement d’émancipation des femmes. Ce qui me touche aujourd’hui quand je l’écoute, c’est sa naïveté. Elle est comme un enfant qui n’aurait pas grandi. Avec le recul, on peut dire que c’est sans doute un titre qui manque de vulgarité, de bites, de couilles et de cul… Je n’ai jamais considéré qu’une chanson doive être jolie ou belle. Est ce qu’on demande à un tableau d’être obligatoirement beau ? Est ce que « Guernica » est beau ? Je ne pense pas que Picasso ait voulu rendre la guerre jolie… Je me suis toujours donner le droit d’écrire des chansons difficiles à écouter, voire inécoutable sans avoir les nerfs. Une chanson, ça doit servir à quelque chose, au moins à draguer sa voisine ou son voisin… C’est un minimum. Mais si ça dérange un peu, c’est quand même mieux…

Je me souviens du patron de CBS, c’était, à l’époque, Alain Lévy. Il m’avait dit en parlant de « Fais-moi jouir » : « On la vire du disque, je ne veux pas rentrer chez moi et entendre mes enfants écouter ça ». Le plus grand compliment qu’on puisse te faire… Le rêve : le tube interdit. Le sommet. Autrefois, j’aimais bien faire des chansons qui parlaient de cul, juste pour emmerder le monde. Les bourgeois. Les judéo-chrétiens. La société moralisatrice. J’aimais bien parler de sexe, urgent, moite, mouillé. Du sexe qui fait jouir, qui allume, pas de celui qui fait vendre. Maintenant qu’on ne peut plus vendre un tube de dentifrice sans une allusion au sexe, ça m’intéresse beaucoup moins. Ce n’est plus une entrée crédible sur les grandes questions de l’existence. Beaucoup moins.

L’amour, le sexe, la vie, la mort. Intrinsèquement ; tout ça c’est pareil… Si tu pouvais savoir ce qu’est la vie, ou l’amour, tu répondrais à ce qu’est tout le reste. Il n’y a qu’un seul sujet : la vie. Quel que soit le pan de la montagne que tu attaques, ça reste la même montagne. Depuis toujours et pour l’éternité. On a inventé la roue, l’atome, l’Internet, tout ce que tu peux imaginer, et fondamentalement les questions que se posaient les Grecs restent les mêmes. Aujourd’hui elle sont les nôtres. Et même si tu arrêtes de les poser, ne serait ce qu’à un moment de l’histoire, un moment d’égarement, elles se poseront d’elle-même. Elles reviendront…

Je ne me sens pas plus que ça le papa des générations de chanteuses et de chanteurs français d’aujourd’hui. La nostalgie me dérange… Je comprends qu’on écoute Hendrix, les Sex Pistols ou Barbara, mais pourquoi les respecter plus de leur mort que de leur vivant ?… Chaque génération doit apporter sa pierre. Avec les technologies de son époque. Aujourd’hui, comme toujours, le talent côtoie la médiocrité, l’art s’emmêle avec le commerce et parfois l’escroquerie… La grande escroquerie du Rock’n’Roll ! C’est très bien comme ça… Ce monde est devenu tellement formaté, tellement conventionnel et coincé… Si tu n’es pas révolutionnaire à 20 ans, qu’est ce que tu seras à 40 ?

Or il faut être révolutionnaire. Planétairement révolutionnaire, à l’heure ou la vie, l’échange, le commerce, le savoir sont planétaires. Si on manque de révolutionnaire, comme aujourd’hui en France, l’équilibre sera rompu et la société, la civilisation des hommes, risque de sombrer dans une crise d’obscurantisme à côté de quoi, le nazisme et la Shoah seront des rigolades.

Le Bleu : C’est une histoire qui commence par du noir, passe par du rouge, du mauve et qui finit dans le bleu. Celui du ciel, de la mer, de l’espace, de Bataille et de Klein…

L’espace et sa menace de vide est une page blanche vers laquelle tu te retournes quand tu veux reprendre ton travail à partir du point de départ.

C’est aussi la question de savoir comment concilier en soi l’anarchiste, le bouddhiste, le communiste, l’iconoclaste, le voyou, l’esthète, le mystique, comment avoir toutes ces composantes et les faire vivre en soi… Sans qu’elle ne s‘entretuent… Le matérialiste et le spirituel… C’est un texte que je commence seulement à comprendre.

S’envoler : Parler de l’autre pour parler de soi. La folie est fascinante. Foucault nous a permis d’entrer dans la folie comme dans une basilique. Althusser aussi, comme Artaud. S’envoler est une recherche sur ce que la folie à d’un voyage dont tu ne peux dire que tu l’as fait que si tu en reviens, ne serait-ce qu’à moitié. Ce qui est déjà pas mal. C’est la tentation de la douleur, de l’égarement en tant que moyen d’exister comme un autre. Ici, ça part de cette proximité, de cette promiscuité entre la vraie vie et celle qui se déploie dans l’écran de télé. La télé réalité c’est aussi l’irréalité de la non-télé, du réel.

Ernest : Il y a tout dans Guevara. C’est toute ma génération. De l’idéal au ratage total et vice-versa. Mais au bout du compte, c’est peut-être ça la vie, je veux dire l’essence même de la mécanique de la vie ; tout et n’importe quoi à la fois. On passe notre temps à chercher l’organisation fondamentale des choses, comme si un grand architecte avait tout conçu. Mais si tout n’était plutôt qu’un vaste bordel en perpétuel recherche d’équilibre ?… Quand je vois Ernesto Che Guevara sur les T-shirts des écoliers de dix ans, Je trouve ça cool. Ils portent juste une image, et rien du sens de cette image, ou si peu. Mais je veux croire que cette image dégage malgré tout quelque chose. En tout cas, le Che, lui, il a fait le boulot de révolutionnaire sérieusement. Avec le cigare, les femmes, la violence, l’excès, le rêve, le triomphe, la fin minable… Un pur héros. Je crois que Scott Fitzgerald aurait apprécié l’histoire.

Dans mon premier album, que j’ai écouté l’autre jour pour faire le best of, il y a un titre qui s’appelle « urban guérilla ». Ça parle de la même chose, sauf qu’à l’époque, on pensait s’en sortir plus vite, avec une bonne petite révolution… Mais il reste que les seuls héros qui vaillent sont révolutionnaires, morts jeunes, de préférence.

Car tu peux faire ce que tu veux, eux, ils ont la pureté inaliénable, indéfectible, perpétuelle. Tu peux te payer Kouchner, tu peux te peux payer Martin Hirsh, mais tu ne peux pas te payer Guy Moquet, parce que pour le faire passer au journal de 20h00 et lui faire dire « je connais le président, c’est un homme charmant, intéressant, ouvert et intelligent », tu peux toujours courir. Politicien ça peut devenir une insulte, pas héros. Le peuple a besoin de héros pas de politiciens. Si pour une fois, Obama pouvait être une exception à cette règle, ça serait déjà ça.

Les voitures qui penchent : Parler de soi pour parler des autres. C’est une lettre d’amour aux chiffonniers, à ceux qui ne sont jamais à l’heure, jamais au point, jamais là où on les attend et pourtant, sans qui, on s’emmerderait.

On doit vivre avec les autres sur ce double mode. D’un côté creuser son propre sillon et de l’autre essayer d’être avec les autres, ceux que l’on aime, ou pas d’ailleurs, un peu comme ils nous veulent… J’aime bien cette idée comme quoi au départ, il n’y a qu’une seule et même conscience, universelle, qui explose, ou qui implose, comme un big bang.

Chaque être vivant est un bout de cette conscience, condamné à continuer de s’éloigner du noyau originel, tout en restant éternellement tenté par le retour au « grand tout ». C’est ma manière de vulgariser Jung. Cette chanson, elle essaye de dire ce truc terriblement banal : je t’aime et j’aimerais bien faire tout ce que tu veux, mais en même temps, c’est plus fort que moi, et c’est moi, il faut que je j’aille au bout de moi, même quand c’est en contradiction avec le fait que je t’aime qui est aussi moi…

Justice : J’ai dû commencer à écrire cette chanson il y a plus de vingt ans… Or, durant tout ce temps, je ne jamais trouvé ce texte en décalage avec la réalité. Pire, il me semble de plus en plus d’actualité. Comme quoi Ali Baba et les 40 voleurs est un conte réaliste…

Cette question de la justice est préoccupante. Toute la crédibilité de la démocratie s’appuie sur l’idée que la justice est possible. Derrière chaque révolte, chaque émeute, il y a une injustice, ou un sentiment d’injustice. L’état de dégradation de la justice dans ce pays est inquiétant, c’est tout le projet social qui est rongé à sa base.

La France, qui des années durant a été l’un des phares de la civilisation est aujourd’hui le mauvais musicien du concert des nations. Si le monde n’arrive pas, à remettre le désir de justice au centre de sa préoccupation première, vous pourrez nourrir ou gaver de technologie la terre entière, cela n’empêchera pas que le sentiment d’injustice ravage tous vos efforts.

Lexo : Ca se passe entre la Nouvelle-Orléans et le Texas. Là où la vie ne vaut pas plus que ça mais, où quand même, il faut le dire, ça vie fort. Entre alcool dur, drogues, poker, vitesse, football américain et cette sorte de folie ordinaire, made in USA , qui stagne en permanence sur tout le paysage un peu comme une eau saumâtre dans un marécage. C’est Las Vegas Parano, le lendemain matin. L’absurdité d’une vie sans autre objet que de vivre. L’Amérique m’intéresse beaucoup, depuis toujours. Sa musique, sa littérature, cette espèce de désespoir profond qui la tapisse… Mais qui respire aussi tellement de liberté et d’énergie…

Je t’attends : Est-ce que la femme est la réponse ? Est-ce que la réponse est la femme ? Et quelle est la question, au fond ? Je reviens au Bleu Klein, à l’espace, au vide, à la vacuité, qui est aussi prégnante des promesses de remplissage et de plénitude. Je me suis rendu compte que, quoi que je fasse, quoi que je cherche, en fait, je suis là depuis maintenant très longtemps à attendre quelque chose. Le soleil ? Une femme ? L’amour ? Dieu ? La mort peut-être ? Va savoir… Il existe une chance sérieuse que nous ne sachions jamais. Personne ne sortira vivant d’ici, c’est certain, mais je considère que c’est une manière un peu cavalière de clore le débat… Donc j’attends.

Poison chimique : C’est une chanson au premier degré. Je n’en fais pas souvent. L’autre jour, quelqu’un m’a dit « J’aime bien l’humour de cette chanson ». Quel humour ?. Imagines-toi que cette histoire de composants chimiques, de phéromones, ça soit vrai. Imagine-toi, que finalement toutes ces histoires d’amour, de rencontre, de coup de foudre, toutes ces grandes théories sur « aimez-vous les uns les autres », le sacrifice amoureux, etc… tout ça ce serait une simple réaction hormonale, l’effet d’une espèce de microbe chimique qui porte un assez joli nom, « les phéromones ». Ça serait dramatique et en même temps fantastique.

Ne plus être responsable de son désir amoureux, quelle liberté, tu imagines ? Et les tribunaux ; confrontés à l’irresponsabilité chimique… En même temps, sans amour, la vie devient d’une tristesse…, Je crois que l’être humain a besoin d’aimer. L’être humain a besoin d’amour et de dévotion même si il a aussi besoin de contrôler ses émotions. Poison chimique, ça parle de ça en fait, de cette espèce de champ dans lequel on est condamné à se débattre, de ce terrain vague qui va de l’ennui et la trop forte passion. Mallarmé a écrit « La chair est triste, hélas, et j’ai lu tous les livres… ».

Sauve-moi : Une supplique à Dieu, à une femme, à un idéal. Certains vont peut-être se choquer de l’amalgame entre Dieu et une femme, mais il n’y a pas cette volonté de choquer dans le texte. J’ai toujours été intéressé par le féminin des religions anciennes… Jusqu’au christianisme. Je fais la part des choses. D’un côté le mysticisme, l’idée divine, le texte original, de l’autre la religion, son organisation politique, son texte officiel. Les deux ont un intérêt, pas le même, cependant.

L’humanité invente le divin au tout début de son humanité, comme si c’était « sa » recherche fondamentale, comme un bout de soit dont chaque être serait privé et qu’il lui faudrait trouver. Alors comme l’homme est plutôt créatif, il a trouvé beaucoup d’imageries à cette absence. J’amalgame le sacré et le féminin. Athéna, la mère, Marie… On sort de là, nos origines sont par là… Le masculin me semble plus utilitaire… Je préfère Jésus en être humain héroïque qu’en divinité. J’ai eu la chance d’être de la génération qui a vu naître le Mouvement de Libération des Femmes, et j’ai adoré, littéralement adoré, ce qui s’est passé depuis ce moment, ce rééquilibrage féminin / masculin de la société.

La dernière prière : Je n’ai rien à dire sur cette chanson.

Labo social : J’ai depuis toujours une grande défiance envers la démocratie telle qu’on nous la vend. Déjà, chez les Grecs, et notamment à Athènes, c’est le système qui à couvert le plus de crimes et d’injustices sous couvert de soi-disant volonté populaire. Le « Démos » peut être démoniaque… La seule chose qu’on peut dire, c’est que c’est le moins mauvais système que l’on ait trouvé. Mais je suis persuadé que l’on trouvera mieux et assez vite.

Je m’étais peu a peu détaché de mes idéaux, avec le temps, j’étais devenu un mec de gauche désabusé.Lorsque j’ai participé au montage du Canal 93, je me suis retrouvé dans une ville que je ne connaissais pas, une de ces cités de banlieue parisienne que l’on aime tant décrire… Et j’ai rencontré des personnes qui ont réveillé mon envie d’être un citoyen, un sans culotte, un revendicateur.

Je me suis rendu compte que même si le combat était perdu, il fallait le mener. D’ailleurs le combat n’est pas perdu. Ni gagné. Il est simplement éternel. L’homme est un animal politique, en ce sens qu’il investit dans la réflexion et la fabrication de son système social une part importante de son énergie, de son rêve, de son espoir, de ce qu’il a de plus urgent et de plus éternel.

Je suis de gauche, génétiquement, probablement façon anarchiste vieille France, mais je suis bien obligé de constater qu’en ce qui concerne le champ du politique, de droite, du centre et de gauche, et d’ailleurs, d’où vous voulez, l’essentiel est que l’humain attend énormément de ce qu’on appelle « la politique ». C’est en ce sens que des fortes abstentions sont des signes dramatiques, de véritables actes de désespoir collectif. Donc j’ai écrit ce texte pour parler de la ville qui se fabrique, envers et contre tout, malgré les constructions stupides des architectes, malgré les races, les religions, les frontières, les crises économiques, l’injustice, la folie, les intérêts divergents… C’est ma façon de dire « Je vous aime » et « merci » à ces personnes avec qui j’ai vécu.

Ni Dieu ni maître : Je ressasse depuis des années cet insondable mystère de la femme pour l’homme vice-versa…. J’y reviens toujours… Comme on bute devant sa propre stupidité.

A part ça, c’est une chanson sur la liberté. Un jour, j’ai rencontré une jeune fille antillaise qui parlait en mettant dès « aye » au bout de tous les mots. Ça donnait une sorte de musique… Dans le même moment, je réfléchissais à la soumission volontaire. À la façon dont on peut décider de renoncer à sa liberté. La République par exemple devient une dictature dès que le peuple a voté. Si le peuple a voté pour un fumiste ce fumiste devient légalement le maître du jeu. Et ce maître du jeu, il est nous puisque c’est nous qui l’avons choisi collectivement ; et même si on n’est pas d’accord avec la majorité, on sait bien quand même que le fait d’avoir participé de près ou loin au vote, d’accepter la règle du jeu, même sans jouer, fait de nous un complice de la désignation de ce dictateur. Les Américains viennent de passer dix ans avec Bush… Nous sommes tous soumis à ce genre de soumission librement acceptée, à l’amour, à la morale, à la religion comme si l’homme passait son temps à briser ses chaînes pour mieux les reconstruire. Cela m’a toujours fasciné.

Le Bleu (extraits audio)