BABYLONE PANIC – 2012

Direction artistique : Gilles Michel
Cover : Liberatore
Conception cover : Thibaut Grevet
Conception graphique : Agence Bolivie

M E T S  L A G O M M E
C’est le matin, la Harley roule sur une ligne droite infinie que les premiers rayons du soleil gondolent. La fille qui conduit à de longs cheveux qui te battent le visage. Le moteur gronde, il palpite comme une rythmique rock, le vent te gifle. Il y a des guitares qui hurlent. Au bout de la ligne droite, il y a le Pacifique, en bas de la falaise. La Harley accélère encore et s’envole, comme d’un tremplin vers le soleil levant, au-dessus de l’océan, soudainement, dans un immense silence. Tu planes vers l’infini, accroché à cette fille sans visage avec tous tes amours, tes souvenirs, tes rêves, désormais immortels et intouchables. Easy Riders…

T A P E – T O I  L A  T Ê T E
Open de sol. Que des accords majeurs. Elle n’est plus là. Et pourtant tout continue à te parler de l’autre, d’elle. La tasse de café, les odeurs, le vide, l’absence est une présence… Tu connais ça…C’est ce vertige de la rupture inéluctable, qui m’intéresse. Pas le pleurnichage, le regret ou la haine. Non, juste ce moment de solitude et de vide, ou tu es seul, sans but, juste avant que la vie ne t’appelle et ne t’entraîne à nouveau. Ce moment ou ton instinct de survie, si con et si mesquin, semble t’abandonner… Tu vois ?

B A B Y L O N E  P A N I C
Lorsque la peur change de camp. Jusqu’à décembre 2010, les Tunisiens vivaient dans la peur. Un jour, un homme s’immole et la peur change de camp. Ceux qui tuaient sont tués, ceux qui rampaient se lèvent. Les cours du pétrole décollent et nos petits niveaux de vie vacillent. Les pauvres deviennent plus pauvres, les riches plus riches… Et puis, il y a nos complices dont il faut se débarrasser. Ben Ali exfiltré, Kadhafi éliminé, Moubarak lobotomisé… A qui le tour ? Qui seront nos nouveaux amis ? Auront-ils la gentillesse de bien vouloir opprimer, voler, humilier de manière intelligente, démocratique ?

LE RAT DES VILLES
Encore de l’open de sol. Sur la vieille Melody Maker. La multitude a cela de fascinant qu’elle recèle l’univers dans sa diversité, elle est la somme des uniques… C’est l’image des foules qui dans les villes se déplacent en même temps, à la même heure, se ressemblent. Vu de loin, on dirait ces hordes de rats, qui envahissent la ville, lorsque les égouts débordent… Et pourtant au milieu de tout cela, chaque individu porte son histoire, ses espoirs, ses secret. Ses peurs. Le rat des villes, c’est moi, c’est toi, c’est nous. C’est mignon, un rat avec ses petits yeux chafouins et sa moustache à trois poils. La ville omnivore et l’entassement des humains posent des questions.

P R I N C E S S E
C’est beau les contes de fées… Le choc de deux vies. L’existence de celui qui vit entre ses nuits, ses errances et ses guitares, et la vie de celle qui vit dans l’apparence, l’appartenance. C’est l’histoire de la fascination, de l’amour et de la répulsion de l’une pour l’autre… Mais c’est aussi une chanson qui dit : « vas-y, fais ce que tu veux de ta vie, mais je serai toujours là pour te donner ce que tu ne trouveras pas là-bas, et prendre chez toi ce que j’aime et que je ne trouverai pas ailleurs ». L’amour sans le besoin ou la dépendance… Je dis ça comme ça.

GRAND MÉCHANT LOUP
Ce n’est plus un album, c’est un bestiaire, un zoo, mon truc… Le rock, c’est la fascination du danger, de l’inconnu, de son contraire, de l’interdit. Le rock, c’est la peur de l’ennui, de crever en s’emmerdant, c’est l’aventure qui dort en chacun de nous. Le grand méchant loup, c’est l’interdit passionnel. Celui qui pourrait te faire connaître le plaisir intégral, dont tu rêves. Mais comme c’est un loup et toi un humain… Du moins c’est ce qu’on te dit… Jusqu’à quoi le désir peut-il te conduire ? Jusqu’à quelles transgressions? Les textes anciens fourmillent de cette question insoluble. Ce que j’aime dans le désir et ses débordements, c’est qu’au fond c’est un acte pur. Au début en tout cas. Ça peut être aussi un chemin vers la folie…

LA GRANDE VILLE
Les papillons se collent aux lumières et s’y brûlent les ailes. Les humains se sont regroupés dans les cités, d’abord pour se défendre. Une fois ensemble, ils ont été obligés de devenir des animaux politiques, pour traiter de l’organisation du troupeau. Mais aujourd’hui, la cité est devenu l’espace favori du prédateur… Il est là pour toutes sortes de raisons. Mais il tue, il vole, il détruit, il abuse, il séduit, il vend… Tout le monde sait que le danger est là, présent, palpable, mais on rêve encore de la grande ville, car la liberté du prédateur, c’est aussi celle de chacun de nous, et la grande ville gère parfaitement ou presque la dualité anonymat-célébrité… Notre envie et notre angoisse, la solitude et l’innombrable. L’ignorance absolue de l’autre, et l’idéal de fraternité… Ces deux concepts pourraient presque résumer à eux seul notre vie de citadins…

L A  C R I S E
Justement, la folie. Audiard a dit : « Heureux les fêlés, car on voit la lumière au travers ». Sommes-nous assez paranos ? Avons-nous assez peur de ce qui se fabrique sous nos yeux ? En fait les fous, les vrais, les grands, les réellement dangereux, je crois qu’ils sont du côté de ceux qui montent des armées, espionnent, inondent la planète de fumées toxiques, d’armes chimiques ou atomiques, de bouffes dangereuses, voire d’idées et de modes de vie aberrants. C’est de cette crise dont je parle, celle d’un modèle occidental absolument dément… Dont on ne peut nier qu’il ait été créé par nous et alimenté par nous… Celle qui te donne envie parfois de rester enfermé chez toi, enfermé sous ton drap… Je suis parti de la paranoïa et je débouche sur la schizophrénie. Je ne suis pas loin d’être mûr…

S I  Ç A  T E  V A  B I E N
Quand c’est fini, ça continue… Les vraies histoires d’amour ne finissent jamais. Ou bien l’univers devrait s’anéantir pour que la moindre trace en disparaisse ? C’est une tentation… L’amour, ça détruit bien… Peut- être plus encore parfois que ça ne construit. Ça ne me dérange pas. Au contraire. C’est un sujet sur lequel je pourrais écrire indéfiniment. Je n’y comprends rien. Je ne fais que des bons mots dont je cherche le sens. Je me retrouve assez dans la mélancolie alcoolisée des chanteurs de country, des Johnny Cash et des Willie Nelson. Finalement, c’est plus facile de vivre désespéré.

D A N S E
Je crois bien que j’ai cru, et peut être que je crois encore, que la musique et la danse peuvent porter tout à la fois la réflexion, la contestation, la révolution, le plaisir immédiat, le rêve, le don, la sagesse. C’est un truc de Hippies. Si le rock, l’amour, la marijuana avaient fait autant de mal que le pouvoir, la guerre, la haine, les psychotropes, ça se saurait. Je crois encore que le rock est un vecteur de révolte et de renaissance, de partage et de force collective. Une salle de concert qui danse, c’est puissant, magique. Je me verrais bien partir à l’assaut de l’Elysée avec un drapeau noir et une Kalachnikov… Il y aurait une gigantesque sono diffusant à fond « Street Fighting Man » ou « This is the end, my only friend… ». Et on danserait sous les ors de la République. Bien sûr, on viderait la cave et le frigo.

Extraits